I-Sa jeunesse et son ascension-Gengis Khan :
Pour mieux comprendre le cheminement atypique du jeune Temudjin (terme qui signifie forgeron en mongol ancien), il est nécessaire de resituer le contexte de l’époque. À la fin du XIIe siècle, le peuple mongol, composé d’environ 3 millions de membres, est installé dans la région du Haut Orkhon et du Khangaï. Il est alors divisé en tribus nomades – que l’on estime à un peu plus de quarante – elles-mêmes divisées en clans. Ces tribus sont perpétuellement en luttes les unes contre les autres, souvent pour des querelles familiales ancestrales ; les alliances se font et se défont très facilement et les combats font rage dans la steppe mongole balayée par les vents sibériens.
Carte de la mongolie actuelle, les tribus mongoles du temps de Gengis Khan se concentraient
dans les alentours de l'actuelle Tsetserleg, mais s'étendaient sur l'ensemble de la plaine mongole
Plusieurs peuples, la plupart plus évolués, entouraient les mongols. À l’Est se trouvaient les Tatars, souvent confondus, à tort, avec les mongols. À l’Ouest s’étendaient les royaumes des Naimans, des Ouigours et des Kara-Khitans. Enfin au Sud se trouvait la Chine, morcelée en 3 empires : le Nord-Est était dominé par la dynastie Jin, les Xia – ou Tangut – étaient au pouvoir au Nord-Ouest et tout le Sud du pays était aux mains de la dynastie Song.
C’est dans cet environnement qu’évolue Gengis Khan au début de sa vie. Il appartient à la Bordjigin, et plus précisément au clan des Qiyat, subdivison de cette tribu, dont son père, Yesügeï, est le chef. Sa mère, Hö’elun, est une femme de la tribu ennemie des Merkit, capturée par Yesügeï.
Les premières années de la vie de Temudjin sont difficiles à retracer, tant les faits et anecdotes qui nous sont parvenus sont sujets à caution, eu égard du manque de sources écrites contemporaines à sa jeunesse. La première source écrite crédible retraçant la vie du futur conquérant est « l’Histoire secrète des Mongols », écrite en 1228 soit un an après la mort de Gengis Khan, et plus de 60 après sa naissance. Les premières années de Temudjin et ses premiers exploits nous sont donc souvent parvenus par le biais de légendes plus ou moins fidèles à la réalité.
Ainsi, même sa date de naissance n’a jamais pu être certifiée. Trois années sont évoquées : 1155, date proposée au XIIIe siècle par l’historien persan Rachid al-Din ; 1167, année évoquée par Paul Pelliot (historien du début du XXe siècle), qui s’appuie sur deux textes chinois anciens ; et 1162, date qui semble la plus probable, le plus souvent évoquée par les historiens, elle a été officiellement reconnue par la République de Mongolie. Le lieu de cette naissance est également loin de faire l’unanimité ; il semblerait toutefois qu’il soit né dans la province de Hentiy, à quelques centaines de kilomètres à l’Est de l’actuelle Oulan-Bator.
La première légende entourant la vie de Gengis Khan raconte que Temudjin serait né avec un caillot de sang dans son poing, signe, dans la tradition mongole, que l’enfant est destiné à devenir un grand chef. Si cela a bien eu lieu, le moins que l’on puisse dire est que le présage était bien réel !
Au même âge, Temudjin se fiance avec Börte, fille du chef des Qonggirat, dans le but d’unir les deux tribus. Malheureusement, Yesügeï, le père de Temudjin, meurt 4 ans plus tard ; le futur Gengis Khan, qui a alors 13 ans, est trop jeune pour se marier ou pour devenir chef des Bordjigin. Ceux-ci décident donc d’abandonner Hö’elün et ses enfants. S’ensuivent alors plusieurs mois, voire plusieurs années d’errance pour Temudjin et sa famille. La genèse de son fort caractère est sans doute à chercher dans cette épreuve, durant laquelle il se réfugie dans les Monts Kentaï, où il va progressivement développer son mental d’acier et reconstituer son patrimoine.
À l’âge de 16 ans, il aurait tué son demi-frère Bekter, car celui-ci se serait rendu coupable de lui avoir volé de la nourriture. Derrière ce meurtre, le futur conquérant dévoile un des plus importants principes moraux qu’il appliquera tout au long de son existence : il punit fortement la trahison, qu’il considère comme l’apanage des faibles.
Par la suite, Temudjin, dont la renommée grandit, est capturé par le clan des Tayidji’ut, où il est mis à la cangue, carcan de bois enserrant le cou et les poignets. Il parvient cependant à s’échapper, avec la complicité d’un de ses ennemis.
Exemple d'homme mis à la cangue
Nous sommes alors en 1181 ; Temudjin retourne chez les Qonggirat et se marie, comme convenu, avec Börte. Il réintègre ainsi un clan et retrouve un statut social. Cependant, ce retour à la normale est éphémère car, pour se venger de Yesügeï qui avait enlevé Hö’elün quelques années auparavant, les Merkit capturent Börte. Temudjin, accompagné de son compagnon d’arme Djamuqa, leur livre bataille et délivre Börte, après 9 mois de séparation ; peu de temps après, elle accouche de Djötchi, que Temudjin reconnaît comme son premier fils, malgré une paternité incertaine. Le couple aura par la suite 3 autres fils (Djaghataï, Ögodeï et Tuili) et plusieurs filles.
On voit donc qu’à tout juste 20 ans, Temudjin a déjà réalisé de nombreux exploits, plus ou moins avérés : naître avec un présage glorieux, tuer un ours à mains nues, survivre à l’errance dans la steppe, tuer son demi-frère, s’échapper de la captivité et libérer sa femme. Ces événements ont grandement contribués à forger sa mentalité de guerrier et, surtout, à accroître sa réputation chez les mongols.
Cette admiration naissante est déterminante, à une époque où les guerriers de ce peuple ne sont pas spécialement réputés pour leur fidélité à leurs chefs. Ainsi, par son charisme grandissant et son habilité politique, Temudjin parvient à s’attirer le soutien d’un nombre croissant de combattants avides d’aventures. Bientôt, ce pouvoir d’attraction va lui permettre de diriger une véritable petite armée, et petit à petit, il parvient à fédérer les tribus mongoles autour de sa bannière.
Ses premières victoires sont à la fois dues à sa capacité à galvaniser ses hommes et à son génie militaire. Ainsi, conscient de la faiblesse numérique de ses premières troupes, il oblige ses adversaires à livrer bataille aux abords d’obstacles naturels contraignants (montagne, rivière ou bois épais) ; il place son armée entre cet obstacle et son camp de base, lui-même protégé par les femmes et les enfants entraînés à défendre leurs maigres biens, si bien que ses troupes ne peuvent être attaquées sur les flancs. Cette tactique ingénieuse déstabilise ses ennemis, traditionnellement habitués à contourner les armées adverses, et lui permet donc de les vaincre un à un.
En 1196, ces victoires lui permettent d’être élu Khan (dirigeant en mongol) par l’aristocratie mongole. Néanmoins, Djamuqa, son ami d’enfance, qui l’avait aidé quelques années auparavant à délivrer sa femme, va se mettre en travers de son ascension. Celui-ci, parti de son côté, s’avère également être un grand dirigeant : il a également été élu Khan en 1201, devenant ainsi l’égal de Temudjin. Mais il n’y a pas de place pour deux Khans dans la Mongolie tribale du début XIIe siècle ; l’affrontement entre les deux anciens compagnons est donc inévitable.
Une première bataille oppose rapidement les deux armées, durant laquelle les combattants de Temudjin mettent en déroute les hommes de Djamuqa. Malgré cette victoire sans appel, Temudjin est gravement blessé durant le combat, et sera sauvé par son ami Djelme. Quelques jours plus tard, un certain Djebe (flèche en mongol) se présente au camp de Temudjin en affirmant être le soldat qui a blessé le leader mongol et tué son cheval ; plutôt que de le punir pour cet acte, le futur conquérant le récompense en l’engageant comme général. Djebe le remerciera pour cette confiance en devenant l’un de ses plus grands généraux.
Durant les années suivantes Temudjin va s’atteler à étendre son territoire. En 1202, il écrase les Tatars et les incorpore à son armée. L’année suivante, il fait de même avec les Kereyit ; en 1204, c’est au tour des Naîman et des Ouighour d’être contraints de se rallier à Temudjin ; les Merkit, ennemis personnels du Khan sont également vaincus en 1204.
Face à cet essor de la puissance de Temudjin, Djamuqa, qui avait réussi à fuir durant sa défaite de 1201, se trouve de plus en plus isolé. En 1206, sentant le vent tourner, plusieurs de ses hommes se rebellent et capturent leur chef dans le but de le livrer à Temudjin, dans l’espoir d’obtenir sa gratitude. Malheureusement pour eux, le conquérant va sanctionner leur trahison envers leur chef, en les exécutant sur le champ, tandis qu’il accorde à son ancien frère d’arme, Djamuqa, le « privilège » d’être exécuté par étouffement, pour éviter que son sang ne coule.
Avec la disparition de son principal concurrent, et la soumission de nombreuses tribus voisines, Temudjin a achevé l’unification des populations mongoles sous sa bannière.
En 1206 un nouveau quriltai (rassemblement des aristocrates mongols) est organisé sur les bords de l’Onon, Temudjin est élu Chinggis Khan (« chef universel » en mongol) de la Mongolie Orientale, il prend alors le nom de Gengis Khan. Il a alors mis 19 ans de sa vie à unifier la Mongolie, les 21 années suivantes, il va conquérir le Monde.
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