10- De nombreux abus sexuels ont été commis par les GI en France pendant la Libération
"Avec les Allemands, les hommes devaient se camoufler. Mais avec les Américains, nous avons dû cacher les femmes." Prononcée par un habitant de Cherbourg, cette phrase résume à elle seule l'amertume des Normands quant à l'attitude de certains soldats américains dans leur région, dès le mois de juin 1944.
Alors que ces derniers étaient dans un premier temps accueillis en héros, distribuant chewing-gums, chocolats et cigarettes à la population locale admirative, les libérateurs ont vite été perçus comme des occupants trop entreprenants.
Soldats américains bien accueillis par la population locale
Il faut dire que les jeunes GI ont une drôle d'image des Françaises. Leurs ainés, qui ont combattus dans l'Hexagone lors de la 1ère guerre mondiale, évoquent leurs souvenirs, sans doute éxagérés, d'une France aux « petites femmes faciles », fantasmant sur les mœurs des Françaises.
Pire, la hiérarchie militaire américaine va utiliser ce mythe pour motiver ses troupes, ainsi, avant le débarquement, l’État-major américain présente la France et Paris comme le paradis des plaisirs, et fourni un lot de 5 préservatifs à chaque soldat. Le magazine Stars and Stripes destiné aux troupes américaines, apprend notamment aux soldats à dire en français « You are very pretty »(vous êtes très jolie) et « Are your parents at home » (Est-ce que vos parents sont à la maison?).
Le magazine américain LIFE surenchérit en présentant la France comme un « un gigantesque bordel dans lequel vivaient 40 millions d'hédonistes qui passent leur temps à manger, boire et faire l'amour » .
"Voici pourquoi nous nous battons" Article du magazine militaire Stars and Stripes
Le Havre étant la porte d'entrée des soldats américains sur le théâtre européen, la ville a vu des millions de GI transiter et s'adonner à de drôles de pratiques en 1944 et 1945. Devant de tels outrages aux bonnes mœurs, le maire de la ville, Pierre Voisin, va jusqu'à dénoncer un « régime de terreur imposé par des bandits en uniforme ». On comprend mieux sa frustration quand on sait que les GI faisaient l'amour partout en ville, dans les parcs, dans les bistrots, et même dans les cimetières, et ce, de jour comme de nuit...
Afin de mettre une fin à « ces scènes contraires à la décence », Pierre Voisin écrit au colonel américain Weed, responsable régional des Civil Affairs, afin de lui demander l'ouverture d'une maison close en périphérie de la ville. Le colonel Weed refuse, craignant que l'image des soldats soit égratignée par la presse, et que les épouses et fiancées ne voient les images outre-Atlantique. La prostitution « sauvage » continuera donc dans les rues de la ville portuaire jusqu'au départ des GI.
Malheureusement ces activités sexuelles ne sont pas toujours consenties par les femmes. Ainsi de nombreux crimes, abus sexuels et viols sont recensés partout où les troupes américaines sont stationnées, en France et ailleurs. L'historien américain J.Robert Lilly, recense 17 000 agressions sexuelles, dont 2 500 au Royaume-Uni, 3 500 en France, et 11 000 en Allemagne ! Dans ce dernier pays, aucun soldat américain ne sera condamné à mort pour viol.
En France, entre juin 1944 et juin 1945, seulement 116 soldats passeront devant la justice militaire américaine. A cause de la discrimination raciale, sur les 29 soldats exécutés pour viol, 25 sont noirs, une surreprésentation étonnante quand on sait qu'ils ne représentaient que 10% du total des troupes en Europe. L'US Army considérant que la guillotine française était trop barbare, elle fit venir un bourreau du Texas, spécialiste des pendaisons. Selon l'historienne Mary Louise Roberts, l'armée américaine «fonctionnait comme une extension du système de ségrégation en vigueur dans le Sud. »
Plus largement, elle estime que le sexe a été une manière pour les Américains d'asseoir leur domination sur une puissance secondaire. Les Français étant désignés comme des lâches pour avoir abandonné le combat face aux Allemands, ou comme des barbares suite aux tontes des femmes accusées d'avoir couché avec l'ennemi. Elle estime même que « l'arrogance américaine et l'humiliation française » empoisonnent les relations entre les deux pays depuis cette époque.
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