Paavo Nurmi, le finlandais volant
Jeux Olympiques 1912, Hannes Kolehmainen fait découvrir au monde entier la Finlande, ce petit pays rattaché à l’empire russe, qui ne retrouvera son indépendance qu’en 1917. Le coureur de fond remporte 3 médailles d’or et 1 d’argent. Surtout Kolehmainen devient le premier d’une grande lignée de fondeurs finlandais, qu’on surnommera « Les Finlandais volants », et qui remportera 45 médailles olympiques entre 1912 et 1936.
De cette formidable génération finlandaise, outre Kolehmainen (5 médailles, dont 4 titres, en 1912 et 1920), on peut ressortir les noms de Ville Ritola (8 médailles dont 5 titres, en 1924 et 1928) ou Volmari Iso-Hollo (4 médailles dont 2 titres, en 1932 et 1936). Mais le maître absolu de ces coureurs finlandais, celui qui restera comme leur leader, est Paavo Nurmi. Entre 1920 et 1928, ce champion accumula 12 médailles olympiques, dont 9 en or, record seulement battu en 2008 par l'OVNI Phelps. Outre ce palmarès fabuleux, Nurmi marqua l’athlétisme comme précurseur de nombreuses méthodes d’entraînement.
Retour sur un athlète qui multiplia les exploits et les surnoms : "Le fantôme finlandais", "Le roi des coureurs", "Le Finlandais volant ", "Le Buster Keaton des pistes", ou "L’homme au chronomètre".
Paavo Nurmi (à g.) et Ville Ritola(à d.) entourent le pionner du fond finlandais, Hannes Kolehmainen
Paavo Johannes Nurmi est né le 13 juin 1897, dans la ville portuaire de Turku. Le futur champion commence la course à 9 ans, avec déjà, des prédispositions puisque à 10 ans, il court le 1 500 m à plus de 15,5km/h.
Ces débuts prometteurs sont brutalement stoppés par la mort de son père, en 1910. Le jeune Paavo, aîné des 5 enfants de la famille, doit travailler et mettre de côté les courses. Mais les exploits de Kolehmainen aux JO 1912, vont émerveiller l’adolescent et le pousser à reprendre l’athlétisme, en parallèle de ses emplois.
Toutefois, en 1919, il n’est pas satisfait de sa progression : "Je n’avais aucune idée de ce qu’était de travailler sa vitesse. La lente progression de mes résultats était sans doute due au manque de travail de la vitesse au cours de mes entraînements". Ce constat lui fait comprendre l’aspect fondamental d’un entraînement méthodique et rigoureux. Nurmi se met à parcourir 3 fois plus de distances quotidiennes que ses adversaires, et s’entraîne même l’hiver, période habituellement proscrite. Le coureur de 1,74m, pour 65 kg, divise ses séances entre marches accélérées, fractionnés sur piste, footings en nature et gymnastique d’assouplissement. Le jeune coureur pousse le perfectionnisme jusqu’à adapter sa foulée à la distance parcourue, 2,25m sur le mile et 2,15m sur 5 000 et 10 000 m. Nurmi fait aussi très attention à son hygiène de vie : il ne boit pas, ne fume pas, fait attention à son alimentation et multiplie les séances de massage et de sauna pour reposer son corps. Nurmi travaille aussi beaucoup son mental, car pour lui : « L’esprit est tout, les muscles sont des morceaux de caoutchouc, je suis tout ce que je suis grâce à mon esprit ». En résumé, en termes de préparation, Nurmi est en avance sur son temps.
Ces entraînements minutieux portent leurs fruits : en 1919, alors qu’il est à l’armée, il dispute un 15 km avec l’ensemble de son régiment. Il termine en moins d’une heure, pas mal lorsqu’on sait qu’il était chargé d’un lourd barda et de fusils, et que le second arriva avec plus de 30 minutes de retard !
En 1920, il quitte l’armée et entre à l’école industrielle, de retour à la vie civile il peut reprendre les compétitions. Dès le mois de mai, il établit son 1er record de Finlande, sur 3 000 m. Ce record tombe à pic : les Jeux Olympiques ont lieu 3 mois plus tard. C’est donc à Anvers que Nurmi va commencer à écrire sa légende olympique.
Le 17 août 1920, pour sa 1ère finale, le 5 000m, le finlandais est battu par le français Guillemot, qui ne le sait pas encore mais vient de réaliser un exploit : il sera le seul non finlandais à battre Nurmi aux JO.
Le 20 août, un nouveau duel l’oppose à Guillemot, sur 10 000 m cette fois. Le roi de Belgique va lui donner un petit coup de pouce, en demandant d’avancer de 2h la course. Guillemot apprend trop tard la nouvelle et mange copieusement peu de temps avant la course. Le français s’accroche, mais ne peut finalement pas suivre Nurmi, qui remporte son 1er titre olympique, avec en récompense le repas de son malheureux adversaire qui, à l’arrivée, ne peut s’empêcher de vomir sur le nouveau maître du fond !
Pour sa dernière épreuve des JO, le cross country, Nurmi remporte 2 nouveaux titres en une course : le titre individuel et le titre par équipe. Le « Finlandais volant » quitte donc Anvers avec 3 médailles d’or et 1 d’argent, le même bilan que son idole Kolehmainen en 1912.
Malgré ses exploits, Nurmi retient surtout sa défaite sur 5 000 m. Le Finlandais décide de changer de tactique. Jusque-là connu pour lâcher ses adversaires avec des 1ers tours très rapides, il va désormais chercher à mieux répartir son effort sur la course, pour asphyxier ses concurrents. Il estime ainsi que " Lorsque vous courez contre le chronomètre, vous ne devez pas sprinter. Les autres ne peuvent pas suivre le rythme s’il est soutenu et rapide jusqu’à la ligne". Pour mettre en place sa nouvelle tactique, il court désormais toujours équipé d’un chronomètre, en compétition comme à l’entraînement, d’où son surnom d'« homme au chronomètre".
Ce changement est bénéfique : le 22 juin 1921, Nurmi bat son 1er record du monde, sur 10 000m. De nombreux autres suivront, sur des distances allant du 1 500m au 20km. Au total, le Finlandais battra 22 records du monde officiels ! Sa domination était telle sur le fond que pendant un an, au tournant 1924/1925, il possédait simultanément 9 records du monde sur 9 distances différentes ! Au cours de sa carrière, il accumulera aussi 21 autres records du monde non officiels, car obtenus sur des distances non reconnues ou en salle (les records indoor ne sont pas encore comptabilisés).
1923, Nurmi pose aux côtés du Français Joseph Guillemot,
seul non finlandais qui le battra dans une finale olympique
Mais au-delà de ces records, un événement va faire rentrer Paavo Nurmi dans la légende : les Jeux Olympiques de Paris. En effet, lors d’une folle semaine, du 08 juillet au 13 juillet 1924, le Finlandais a écrit une des plus grandes pages de l’Histoire du sport.
-08 et 09 juillet : Il remporte facilement ses séries du 5 000 m et du 1 500 m.
-10 juillet : 1ère finale et premier titre sur 1 500 m, Nurmi termine à une seconde de son propre record du monde, alors qu’il a stoppé son effort dans les derniers mètres ! Pourquoi ? Parce que seulement 2 heures plus tard, a lieu la finale du 5 000 m, face à un concurrent de taille : son compatriote Ville Ritola, tout frais champion olympique du 10 000 m et du 3 000 m steeple !
À mi-parcours de ce 5 000 m, les deux favoris ont déjà distancé le reste de leurs adversaires, le duel au sommet a bien lieu ! Les observateurs s’attendent à voir Nurmi faiblir, à cause de la fatigue, mais il n’en est rien, l' « homme au chronomètre » résiste aux attaques de Ritola et remporte le titre. En l’espace de 2 heures, Nurmi réussit l’exploit de remporter les titres olympiques du 1 500 m et du 5 000 m ! Il faudra attendre 80 ans et Hicham El Guerrouj pour qu’un athlète réédite ce doublé, le marocain déclarera alors être fier de " répéter les réalisations du grand homme dont son grand-père a parlé ".
L'arrivée du 5 000m où Nurmi domine de justesse Ritola
-11 juillet : série du 3 000 m par équipe. Cette épreuve regroupe 6 coureurs de chaque nation, les 3 meilleurs coureurs de chaque équipe déterminent le classement. Avec Ritola et Nurmi dans ses rangs, la Finlande fait figure de grande favorite de l’épreuve, et se qualifie facilement.
-12 juillet : Jour de finale du cross country, durant laquelle un classement par équipe est également en jeu. Les conditions de course sont dantesques : le thermomètre frise les 45°C, le parcours ne présente aucun secteur ombragé et longe une centrale électrique qui émet une épaisse fumée… Seuls 15 des 38 partants arrivent à terminer la course, et encore, 8 de ces « survivants » sont évacués en civière juste après leur arrivée ! Et Nurmi dans tout ça ? Insensible à l’accumulation des courses et aux conditions difficiles, il remporte tranquillement un nouveau titre olympique avec 1 min 30 d’avance sur Ritola. Les deux
champions doivent attendre l’arrivée d’un 3e finlandais pour empocher le titre par équipe, acquis avec leur doublé. Mais un seul de leurs 4 coéquipiers est toujours en course. Et ce dernier n’est pas en forme, à 100 m de l'arrivée, à moitié inconscient, il s’arrête et veut rentrer aux vestiaires persuader d’en avoir terminé. Sous les suppliques de ses leaders, il termine finalement la course à la 12e place, exténué, et permet à Nurmi et à la Finlande de remporter le titre par équipe.
-13 juillet : Alors que la majorité des coureurs du cross de la veille sont encore hospitalisés, Nurmi et Ritola sont bien présents pour la finale du 3000 m par équipe, les 2 champions maîtrisent la course de bout en bout et finissent aux deux premières places, le 3e finlandais se classe 5e et donne un nouveau titre à ses deux leaders.
Bilan de Paavo Nurmi lors ces JO 1924 : 7 courses en 6 jours, 7 victoires et 5 titres olympiques, c’est ce qu’on appelle un triomphe ! Il faudra attendre les JO 1972, et Mark Spitz, pour que le record de sacres sur une olympiade de Nurmi, soit battu. Pourtant le bilan de Nurmi aurait pu être encore plus époustouflant : il n’a pas participé au 10 000 m, sa discipline de prédilection, car les dirigeants finlandais refusèrent de l’y inscrire, craignant pour sa santé. Profondément remonté contre cette décision, Nurmi ne cachera pas sa rancœur et se vengera en battant le record du monde de la discipline, le 31 août 1924, record qui tiendra 13 ans.
Nurmi règne alors sur le fond mondial : il détient simultanément 9 records du monde et 5 titres olympiques. Les États-Unis, fascinés par le « finlandais volant », le sollicite depuis 1922 pour qu’il vienne sur leur sol faire une démonstration de ses talents. À l’époque Nurmi avait repoussé ces propositions, préférant terminer ses études (il obtient son diplôme d’ingénieur en mathématiques en 1923) et préparer les JO 1924.
Après son triomphe à Paris, il est désormais disponible et cède aux sirènes américaines, vers lesquelles il embarque fin 1924. À son arrivée à New York, le 10 décembre 1924, le champion est accueilli par des centaines de personnes.
Sa 1ère course sur le continent américain a lieu le 6 janvier 1925 au Madison Square Garden, malgré son inexpérience en indoor, Nurmi remporte ses deux premières victoires. Premières d’une longue série, car ses belles performances et l’enthousiasme qu’il suscite vont l’attirer aux quatre coins du pays, de Boston à San Francisco, pour faire la promotion de son sport et pour courir. Au total, il dispute 55 compétitions en 5 mois et demi, dont certaines plutôt incongrues, comme celle où il court face à un relais d’indiens. Sur ses 55 courses il remporte 51 victoires (dont 12 records du monde indoor), abandonne une fois et termine 3 fois second, dont 2 lors de courses à handicap. Finalement sa seule défaite sur une course classique a lieu le 26 mai 1925, à New York, lors de sa dernière course outre-atlantique. Il est alors battu sur le demi-mile par l’Américain Helffrich. Cette défaite était-elle volontaire ? Difficile à dire même si certains journaux affirmèrent que Nurmi avait perdu par courtoisie pour ses hôtes. Toujours est-il qu’elle mettait fin à une série entamée 4 ans auparavant, qui a vu le finlandais aligner 121 victoires d’affilée, toutes distances confondues !
Après cette tournée, pendant laquelle il a fait la une des journaux américains et a même été reçu à la Maison blanche, Nurmi restera fortement lié aux États-Unis. Il y revient en tournée en 1929, puis en voyage après sa retraite. À son retour, la Finlande fête son champion qui a conquis l’Amérique.
Toutefois ce périple n’a pas eu que des effets positifs, les nombreuses épreuves et les non moins nombreux déplacements effectués, plus de 50 000 km parcourus en train ou en autocar, vont profondément marquer et fatiguer Nurmi. À son retour l'« homme au chronomètre » connaît quelques pépins physiques et voit sa marge de manœuvre sur ses adversaires se réduire sensiblement, se mettant même à perdre quelquefois.
Moins souverain, il va se recentrer sur les JO 1928, à Amsterdam. Le 3 000 m par équipe et le cross country n’étant plus au programme olympique et son niveau sur 1 500 ayant baissé (il est seulement 3e des sélections finlandaises), le champion ne se présente que sur 3 épreuves : le 5 000 m, le 10 000 m et le 3 000 m steeple, épreuve qu’il n’a couru que deux fois dans sa vie.
Nurmi lors de sa victoire aux 10 000m des JO 1928
La compétition démarre bien, dès le 1er jour Nurmi remporte la médaille d’or du 10 000 m, en battant en finale le tenant du titre, son éternel rival Ritola.
Par la suite, les séries du 3 000 m steeple vont nourrir sa légende. Peu habitué aux sauts et rivières de l’épreuve, le finlandais chute lourdement dans le fossé, dès la 1er obstacle, se faisant une entorse à la
hanche ! Mais plutôt que d’abandonner, Nurmi se relève grâce à l’aide du français Lucien Duquesne. Pour remercier son sauveur, le Finlandais va le « tirer » pour rattraper et dépasser tout le peloton, Dans la dernière ligne droite il propose à Duquesne de gagner, mais le français refuse et Nurmi remporte sa série malgré la souffrance.
Si la chute n’a pas eu de conséquences immédiates, les jours qui suivent son entorse empire : Nurmi devra courir les finales du 5 000 m et du 3 000 m steeple avec une jambe gauche quasiment raide.
Pour la finale du 5 000 m, il reprend son duel épique avec Ritola, lui aussi blessé, à la cheville. Malgré leurs douleurs respectives les deux Finlandais restent largement au-dessus de la concurrence et se détachent pour se disputer un nouveau titre olympique. Mais, pour la 1ère fois, Nurmi est battu au sprint par son impétueux compatriote. Obtenant seulement la 2e place, il s’effondre à l’arrivée, avec des rictus de fatigue et de douleur que l’on ne lui avait jamais vu, lui qui ne laissait jamais transparaître la moindre émotion, dans la victoire comme dans la défaite.
Le lendemain a lieu la finale du 3000 m steeple, entre sa douleur et son inexpérience sur la distance le Finlandais volant ne s’attend pas à planer sur la course. Pourtant il parvient à obtenir une nouvelle médaille d’argent, derrière un autre compatriote, Loukola, qui bat le record du monde. Nurmi passe lui aussi en dessous de l’ancien record du monde, pas mal pour un novice blessé ! Les JO 1928 lui permettent donc d’ajouter une médaille d’or et deux médailles d’argent à son palmarès olympique déjà bien garni, portant son total à 9 médailles d’or et 3 médailles d’argent en 3 olympiades.
En 1928, Paavo Nurmi a 31 ans, ses résultats sur courtes distances et sa motivation semblent diminuer, il déclare ainsi : « Cette année est absolument ma dernière saison en compétition. Je commence à me faire vieux. Je cours les compétitions depuis 15 ans et j’en ai assez. ». Malgré ce coup de blues, Nurmi va poursuivre le fond mais sur de plus longues distances, plus favorables aux « vieux » coureurs. Entre fin 1928 et 1930 il bat les records mondiaux du 15 000 m, du 10 miles, du 20 000 m et de l’heure. Mais le champion conserve de beaux restes sur courtes distances, établissant notamment le record du monde du 2 miles en 1931.
Désormais son objectif est de remporter le marathon des JO de Los Angeles, en 1932, et d’imiter son idole Kolehmainen, qui avait achevé sa carrière olympique, en 1920, sur un titre au marathon d’Anvers.
Mais au printemps 1932, à quelques encablures des Jeux Olympiques, les fédérations suédoise et allemande posent une réclamation auprès de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Cette plainte fait état de sommes reçues par Nurmi lors de divers meetings, en 1930. Or la règle sur l’amateurisme interdit à tout coureur s’alignant aux JO d’être professionnel. L’IAAF décide de suspendre provisoirement le coureur finlandais. Le comité national olympique finlandais soutient son athlète, dénonçant des faux témoignages et, malgré l’avis de la fédération internationale, décide d’inscrire Nurmi à 2 épreuves des JO, le 10 000m et le marathon.
Le 26 juin 1932, Nurmi court son 1er marathon, ou plus exactement son premier 25 miles (soit 40,2 km), en 2h22min03, record du monde. Ce temps équivaut à un chrono de 2h29 sur la distance d’un marathon classique. Le record du monde d’Albert Michelsen étant de 2h29min01, Nurmi peut légitimement ambitionner un nouveau titre olympique.
Malheureusement 3 jours avant les épreuves, et alors que Nurmi est déjà à Los Angeles où il s’entraîne d’arrache-pied, l'IAAF le juge professionnel et prononce sa suspension définitive de toute compétition olympique. Les rêves de sacre sur marathon et sur 10 000 m s’effondrent. Alors que le comité olympique finlandais coupe tout lien avec la fédération suédoise, la décision de l'IAAF provoque un tollé : des milliers d'helsinkiens manifestent, l’ensemble des participants au marathon signent une pétition pour sa réintégration, tandis que l'Associated Press (l’agence de presse la plus puissante de l'époque) écrit que, désormais privés de Nurmi, les Jeux Olympiques sont comme « Hamlet, sans le célèbre danois au casting »
Las, malgré ces soutiens, Nurmi n’est pas réintégré, et voit le sacre olympique du marathonien Zabala en 2h31min36. Le Finlandais volant estimera alors qu’il aurait remporté la course avec 5 minutes d’avance sur le coureur argentin.
Refusant de devenir professionnel, car il travaille désormais dans le commerce, Nurmi poursuit sa carrière d’amateur, mais uniquement en Finlande, les autres fédérations lui interdisant toute participation aux courses amateurs.
En 1933, à 36 ans, Nurmi devient champion de Finlande du 1 500 m, une distance qu’il n’a pas couru depuis 3 ans, et où il établit son meilleur temps depuis 1926. Malgré ces dernières réussites, il tire sa révérence le 16 septembre 1934, lors d’un 10 000 m, qu’il remporte. Cette ultime victoire lui permet de terminer sa carrière invaincu sur 10 000 m et en cross.
Le bilan final de cette carrière est exceptionnel : 271 courses, 252 victoires, 265 podiums, une place hors podium et 5 abandons.
Peu avant son arrêt des compétitions, en mai 1932, Nurmi s’est marié avec Sylvi Laaksonen, mais son amour de l’athlétisme semblait plus fort que son amour pour sa femme, faisant dire à cette dernière : « Son obsession pour l’athlétisme m’a poussé à aller devant le juge pour demander le divorce », le mariage n’aura duré que 3 ans, mais aura donné un enfant, Matti.
Cette passion excessive de l’athlétisme, soulignée par son ex-femme, faisait de Nurmi un solitaire, presque asocial, car si le champion était étincelant sur les pistes, il n’en était pas moins sombre dans sa personnalité. Ainsi, après ses exploits aux JO 1924, Gabriel Hanot écrit dans « le miroir des sports » : « Est-il esclave du sport, de l’entraînement, du record à un tel degré qu’il y consacre corps et âme, sans conserver une pensée, un regard, un instant de liberté pour le reste du monde ou de l’existence? ». Cette question illustre bien le naturel froid et distant de Nurmi, lui qui partageait très peu avec les autres et ne montrait aucune émotion sur les pistes, il avait très peu d’amis et n’accordait presque jamais d’interviews, d’où ses surnoms de "Buster Keaton des pistes" et de "Fantôme finlandais ".
Une fois sa carrière achevée, et malgré son naturel introverti et mélancolique, Nurmi rentre dans l’encadrement de la fédération finlandaise, pour préparer les athlètes aux JO 1936. En parallèle il ouvre un magasin de vêtements et construit une quarantaine d’immeubles à Helsinki. Le jeune retraité fait rapidement fortune, début 1939, il est millionnaire et compte parmi les hommes les plus riches du pays, c’est ce qu’on appelle une reconversion réussie !
Malgré cette réussite Nurmi s’investit pour son pays, en 1940, l’ancien champion se rend aux États-Unis, pour récolter des fonds permettant à la Finlande de survivre durant la seconde guerre mondiale.
En 1952 il est choisi pour porter la flamme olympique lors de la cérémonie d’ouverture des JO d’Helsinki. Le secret est bien gardé, les 70 000 spectateurs sont surpris de reconnaître leur idole sur la piste. Après un moment de consternation et de silence, la foule lance un véritable tonnerre d’applaudissements, en forme d'hommage pour le tour d'honneur de son icône. "L’homme au chronomètre", a, en plus, le privilège de transmettre la flamme à son idole de jeunesse, Kolehmainen. Nurmi, fait ainsi, de bien belle manière, ses adieux aux JO.
À la fin des années 50, le champion est victime d’un 1er infarctus, suivi d’un autre, plus grave, en 1967. Cette nouvelle alerte pousse Paavo à arrêter de travailler et à créer, en 1968, un centre de recherche sur les maladies coronariennes. Finalement le natif de Turku s’éteint le 02 octobre 1973, à 76 ans.
Après sa mort, Nurmi passera rapidement à la postérité, ainsi le journaliste Cordner Nelson écrira un jour : « Personne avant ou après Paavo Nurmi n’a autant influencé le monde de la course à pied. Lui, plus que quiconque, a fait de la course à pied un sport d’envergure aux yeux du public international. Il était adulé par ce public pour lequel il était un des plus grands sportifs au monde, toutes disciplines confondues. »
En 1996, son dernier record national tombe, celui du 2 000 m indoor, qu’il aura conservé 71 ans.
En 2012, à l'occasion de son centenaire, l'IAAF a créé son "temple de la renommée", consacré à la mémoire des plus grands athlètes de l'Histoire. Aujourd'hui composé de 36 membres, ce hall of fame compte des légendes telles que Carl Lewis, Jesse Owens, Emil Zatopek, Michael Johnson ou Sergey Bubka. Paavo Nurmi y est apparu dès l'inauguration parmi les 12 premiers athlètes élus, l'année suivante il a été rejoint par Hannes Kolehmainen. Deux "Finlandais volants" dans le panthéon de l'athlétisme, comme un dernier hommage à cette formidable génération qui, en courant, a inscrit, son pays sur une carte du monde.
Nurmi et Kolehmainen en 1949
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