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5- Le pilote britannique qui défia les Allemands pour donner de l'espoir aux Parisiens

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Illustration de l'exploit à gauche, le Wing Commander Ken Gatward à droite

 

Le 30 novembre 2012, à Colchester, dans le sud-ouest de l’Angleterre, s'est tenue une vente aux enchères. Quel intérêt direz-vous? Eh bien cette vente aux enchères a eu la particularité de proposer les effets personnels d’Alfred « Ken » Gatward, un Anglais mort 12 ans plus tôt. Ce nom ne vous dit sans doute rien, pourtant cet aviateur a réalisé, en 1942, le tour de force de survoler Paris, alors occupée par les Allemands, d’y mitrailler des soldats, tout en accrochant un drapeau français sur l’arc de triomphe. Flash-back.

 

Au début de l’année 1942, alors que le IIIème Reich est à son apogée et semble invincible, le moral des Alliés est au plus bas. La France est occupée depuis près de 2 ans et l’espoir d’être libéré dans un futur proche est faible. C’est dans ce contexte que les services de renseignement britanniques apprennent qu’une parade de soldats allemands a lieu tous les jours sur les Champs Élysées, entre 12h15 et 12h45. Un projet germe alors dans la tête de Philip Joubert de la Ferté, un des commandants de la Royal Air Force. Afin de redonner espoir au peuple français et de semer le trouble dans le camp ennemi, il projette de déployer un drapeau français sur Paris et de mitrailler les troupes allemandes durant leur parade quotidienne.

 

Pour ce faire, il lance une opération baptisée Squabble (« accrochage »). Pour mener à bien cette mission spéciale il lui faut un aviateur expérimenté, habitué aux combats de jour et à basse altitude. Le lieutenant Alfred « Ken » Gatward a le profil idéal, cet ancien journaliste de 27 ans, réserviste de la Royal Air Force est l’un des meilleurs pilotes britanniques. Il accepte tout de suite le challenge, pour lequel il sera accompagné d’un mitrailleur, le sergent Gilbert Fern.

 

Les 2 hommes doivent bénéficier de conditions particulières pour mener à bien leur mission : il faut de nombreux nuages au-dessus de la Manche, pour que l’avion ne soit pas repéré, puis un temps dégagé sur la France, pour pouvoir voler à basse altitude sans risquer le crash. Une première tentative a lieu le 13 mai, mais le temps est trop mauvais sur la Normandie pour voler à basse altitude, l’équipage est obligé de faire demi-tour.

Finalement l’opération a lieu le 12 juin 1942, Gatward et Fern décollent à 11h29 de la base de Thorney Island, non loin de Portsmouth. À bord de leur Bristol Beaufighter, ils atteignent les côtes françaises à Fécamp sous la pluie, puis, à partir de Rouen, continuent leur route sous un ciel dégagé, les conditions météorologiques sont idéales pour leur mission ! Aux abords de Paris, ils parviennent à prendre de vitesse la DCA allemande. Le seul couac de leur trajet est un oiseau qui se coince dans le radiateur de l’avion, mais celui-ci n'empêche pas le Beaufighter de continuer son vol.

 

Le trajet de Gatward et Fern le 12 juin 1942

 

L’avion se trouve à hauteur des Champs Elysées à 12h27, les deux Anglais parviennent à larguer un immense drapeau français sur l’Arc de triomphe. Ils volent à très basse altitude, au niveau du toit des immeubles, problème : il n’y a aucun défilé de soldats sur l’avenue ! En fait, les services britanniques se sont trompés sur l’horaire de la parade : à cette heure-ci, les troupes allemandes commencent tout juste à se rassembler dans une rue adjacente, avant leur défilé sur les Champs.

Afin de ne pas rentrer bredouilles, les deux soldats anglais se replient sur le second objectif de l’opération : le siège de la marine allemande, place de la Concorde, qu’ils mitraillent au calibre 20mm, affolant les sentinelles du bâtiment. En guise de cerise sur le gâteau ils larguent un second drapeau sur le Ministère de la Marine. Après ce raid-éclair Gatward reprend de l’altitude et rentre en Angleterre, où il atterrit à 13h53, sans encombre.

 

Ce jour-là la parade quotidienne des Allemands n’aura pas lieu et les Parisiens, stupéfaits, comprennent que leurs occupants ne sont pas si invincibles qu’il n’y paraît, un simple avion réussissant à semer le trouble dans leurs rangs. Si militairement l'opération Squabble n’a pas apporté grand-chose, elle fut un succès retentissant pour la propagande anglaise et redonna l’espoir à de nombreux français.

 

Quelques années plus tard, Gatward déclara : « Je n'oublierai jamais l'étonnement de la foule dans les rues de Paris alors que nous volions en rase-mottes au niveau des toits parisiens. On les a complètement surpris ! »

 

L'audacieux Gatward fut justement récompensé pour cet acte de bravoure, notamment par la Distinguished Flying Cross et la Distinguished Service Cross anglaises. Les Français se montrèrent moins généreux, pour seul geste de gratitude, à la libération, le gouvernement français de de Gaulle lui offrit un magnum de champagne parée d'un ruban tricolore, un des trésors de la vente aux enchères de Colchester!

 

 

magnum.jpgLa caisse de Magnum offerte par le gouvernement français à Gatward

 

 

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03/12/2014
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