Mondoculture, le blog des découvertes

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Partie I: Le conflit nord-irlandais - Les racines historiques du conflit

En juillet dernier, Belfast, la capitale de l'Irlande du Nord, a vécu plusieurs nuits d'émeutes, impliquant la mobilisation de milliers de policiers. La raison? Les autorités ont décidé d'interdire à des manifestants de traverser un quartier catholique de la ville, durant une marche traditionnelle protestante. Lors des heurts, une trentaine de personnes ont été interpellées et une quarantaine de policiers ont été blessés, remettant sur le devant de la scène l'antagonisme entre la communauté protestante, fidèle à la couronne britannique (également appelée les Unionistes ou Loyalistes), et la communauté catholique, favorable à un rapprochement -voire à un rattachement à la République d'Irlande (appelée les Républicains, ou les Nationalistes).

 

 

Le conflit nord-irlandais a atteint son apogée dans les années 70, mais il trouve ses racines bien avant. Il faut ainsi remonter au 12ème siècle pour comprendre l'origine du conflit.

 

En effet, en 1155, le roi d'Angleterre Henri II obtient du pape Adrien IV la suzeraineté sur l'Irlande, qui sera reconnue officiellement dès 1175. A cette époque, l'autorité anglaise sur l'Irlande est plutôt symbolique, les habitants de l'île conservant leurs traditions, coutumes et même la langue gaélique.

De nombreux nobles anglo-normands se sont donc installés sur le littoral irlandais, notamment autour de Dublin, dans la région qu'on appelle le Pale.

Cependant, contrairement à ce qui se passe dans le cas des conquêtes, ce sont les Anglo-normands qui ont assimilé la culture celte, devenant plus Irlandais que Britanniques!

 

Cette tendance déplut fortement à la couronne anglaise, qui en 1366, prit des mesures drastiques afin de limiter cette assimilation. Les statuts de Kilkenny interdirent par exemple aux Anglais présents sur l'île de se marier avec des Irlandaises, de parler le gaélique, ou encore d'entretenir des musiciens irlandais.

 

Il faut noter qu'à ce moment de l'Histoire, la discrimination est purement sociale, le fait religieux n'est pas le problème étant donné que tous, Irlandais comme Anglais, sont de fervents catholiques.

 

Le véritable tournant de la politique anglaise sur le sol irlandais est l'arrivée de la dynastie des Tudors au pouvoir, à partir de 1485.

A l'époque, le pays connaît de fortes tensions avec d'autres puissances européennes, en particulier la France. De fait, l'Angleterre craignant une invasion de ses rivaux européens via l'Irlande, voulut asseoir son autorité sur l'île.

 

Mary 1ère Tudor, reine d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande (1516-1558), par Anthonis Mor van Dashorst (musée du Prado, Madrid)

 

Pour ce faire, en 1556, Marie Tudor (fille d'Henri VIII) mit en place la politique des Plantations, qui consistait à confisquer des terres aux Irlandais afin de les remettre à des colons britanniques (Anglais ou Écossais).

Cependant, là encore il ne s'agissait pas d'un problème religieux, Marie Tudor étant une reine catholique ayant tenté de rétablir le catholicisme romain en Angleterre, à tel point qu'elle reçut le doux surnom de « Bloody Mary » (Marie la Sanglante) pour ses persécutions des protestants anglicans!

 

 

 

A partir du règne d'Elizabeth Ière en 1559 et le retour de l’Église anglicane, les Irlandais ne vont cesser de montrer leur attachement à Rome et l’Église catholique, en affichant leur désaccord avec leurs souverains anglais. De nombreuses révoltes ont lieu lors de la deuxième moitié du XVIème siècle et au cours du XVIIème siècle. Les différentes rebellions échouent et les terres de leurs chefs sont confisquées, relançant ainsi la politique des Plantations, les nouveaux colons s'installent principalement dans le nord-est de l'île, dans la province de l'Ulster.

 

De nombreuses sociétés londoniennes se sont installées dans le comté d'Ulster dans le cadre de la politique des Plantations, à tel point que la ville de Derry (nord-ouest de l'Irlande du Nord actuelle) fut rebaptisée en Londonderry en 1613! Il s'agit encore du nom officiel de la ville aujourd'hui, nom que n'acceptent les Irlandais catholiques.

 

 La répartition des comtés lors de la Politique des Plantations

 

La conquête de l'Irlande par Cromwell entre 1649 et 1653, et la victoire du protestant Guillaume d'Orange sur le catholique Jacques II en 1690, tous deux prétendants au trône d'Angleterre, confirment l'implantation britannique en Irlande.

 

Tous les ans, le 12 juillet, les protestants célèbrent la victoire décisive de Guillaume d'Orange lors de la bataille de la Boyne sur le catholique Jacques II, le 12 juillet 1690. La bataille mit fin aux espoirs de Jacques II de reconquérir le trône et au peuple d'Irlande, l'espoir de s'émanciper de la tutelle anglaise et de l'Eglise anglicane, Guillaume d'Orange (ou Guillaume III) étant un roi anti-catholiques.

Ces marches orangistes, qui traversent les quartiers catholiques de Belfast, sont perçues comme une provocation, donnant lieu à des débordements, comme ce fut le cas en juillet dernier dans la capitale nord-irlandaise.

Mural à Belfast, illustrant la victoire de Guillaume III lors de la bataille de la Boyne

 

 

En 1695, le roi Guillaume III promulgue les Lois Pénales, qui s'avèrent être un ensemble de mesures discriminatoires envers les catholiques. Parmi elles, on compte l'interdiction d'hériter de terres protestantes, d'exercer des fonctions publiques, juridiques et judiciaires, d'enseigner dans une école publique ou privée, de convertir un protestant au catholicisme, d'avoir des armes à feu ou encore de posséder un cheval d'une valeur supérieure à 5£!

 

Avec ces mesures, les catholiques sont réduits à la misère et mis hors d'état de se révolter, ce sont donc les protestants qui vont d'abord faire valoir des revendications politiques, car les Lois Pénales entravent le développement économique de l'île. Pour ce faire, les révoltés mettent en oeuvre une politique de boycott de produits anglais et prônent la consommation de produits irlandais. Pour l'anecdote, dans la liste des révoltés, on compte un certain Jonathan Swift, l'auteur des Voyages de Gulliver.

 

A la fin du XVIIIème, la Révolution française, ses idéaux et ses principes égalitaires, vont influencer les libéraux irlandais dans leur quête d'égalité entre catholiques et protestants.

Ainsi, en 1791, Theobalde Wolfe Tone, fils d'un père protestant et d'une mère catholique, crée la société des Irlandais Unis, club qui a pour but la libération de l'Irlande, quelle que soit la confession de ses membres.

Cependant, de nombreuses rixes opposent catholiques et protestants, et en 1795, l'Ordre Orange, une franc maçonnerie regroupant les protestants loyaux à la Couronne est créée.

 

En 1796, Wolfe Tone, exilé en France, exhorte le Directoire à intervenir, celui-ci envoie une flotte de 45 vaisseaux transportant 13 400 hommes afin de débarquer sur les côtes irlandaises...mais une tempête contrecarre les opérations françaises au large de l'Irlande.

Deux ans plus tard, en mai 1798, c'est l'insurrection générale en Irlande, à l'initiative de la Société des Irlandais Unis, qui sera sévèrement réprimée par les Anglais. Wolfe Tone tente alors de débarquer avec un contingent en août de la même année, mais les rebelles sur place sont trop peu nombreux pour soutenir les troupes françaises. Wolfe Tone sera condamné à mort par pendaison comme un vulgaire criminel, alors qu'il avait demandé à être fusillé, eu égard à l'uniforme français qu'il portait. Il se tranche la gorge et meurt le 19 novembre 1798, après une semaine d'agonie.

 

 

 

Le Premier Ministre britannique William Pitt (le Jeune) pense alors que la solution au problème est d'unir la Grande-Bretagne et l'Irlande, qui jouissait jusque là d'une relative autonomie. Voté le 2 juillet 1800, l'Union Act entre en vigueur le 1er janvier 1801 et donne naissance au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande!

 

 

C'est à cette occasion qu'est créé l'Union Jack (le drapeau de l'Union), le fameux drapeau actuel du Royaume-Uni! Celui-ci mêle le drapeau de l'Angleterre (avec la croix de Saint-Georges) de l'Ecosse (avec la croix de Saint-André) et l'Irlande (avec la croix de Saint-Patrick)

Si le Pays-de-Galles n'est pas représenté sur l'Union Jack, c'est parce qu'à l'époque, le pays est considéré comme une composante à part entière du royaume d'Angleterre.

 

+       +    

                                            

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Les catholiques représentant environ 75% de la population de l'île, William Pitt voulut abolir certaines restrictions à leur encontre, ce qui fut refusé par le roi Georges III, ce dernier avançant qu'une émancipation des catholiques violerait son serment de protéger l’Église d'Angleterre.

 

Désormais seul maître à bord, le Parlement londonien va devoir gérer les affaires de l'île et faire face à une hausse croissante du nationalisme irlandais au cours du XIXème siècle.

 

 

 La suite: Vers l'indépendance de l'Irlande et les Troubles



20/08/2013
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