Mondoculture, le blog des découvertes

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Les 150 ans du Métro

Lundi matin 8h, vous avez encore en tête cette balade champêtre du week-end, et le bien-être que vous a apporté cette bouffée d’oxygène. Mais aujourd’hui vous affrontez une autre jungle, la jungle urbaine ! Après vous être extirpé tant bien que mal de votre nid douillet, vous voilà désormais sur la route du travail. En amoureux de la nature que vous êtes, vous avez décidé d’éviter la voiture et de privilégier les transports en commun, vous voilà donc dans le métro le plus proche de chez vous, et c’est parti pour une demi-heure de voyage dans une forêt d’autres nostalgiques du week-end, via les accueillants souterrains de votre cité. Pour vous, et pour beaucoup, le métro est un peu le tombeau du week-end détente, en atteste le célèbre slogan soixante-huitard « Métro, boulot, dodo ». Et le pire, c’est que ça fait un moment que ça dure ! En effet en cette année 2013, l’auguste métro fête son 150e anniversaire.

 

 

Pour les esthètes le métro, diminutif de métropolitain (« chemin de fer métropolitain »), est un moyen de transport en commun urbain, le plus souvent souterrain et qui peut s’apparenter à un chemin de fer. Au vu de cette définition, certains considèrent que la 1ère ligne de métro du monde fut inaugurée le 03 juin 1862, sous la forme du funiculaire de Lyon. Mais officiellement, et pour beaucoup, le 1er métro de l’Histoire fut ouvert au public à Londres le 10 janvier 1863 à 6 h du matin. Le "London tube" comme il est surnommé relie alors en 18 minutes les 6,5 km séparant les stations de Bishop's road et Farringdon street. La première journée est un succès avec un total de 30 000 passagers. Le lendemain, le Daily News peut exulter : « Pour la 1ère fois de l'Histoire du monde , des hommes peuvent se déplacer dans des wagons agréables (…) en dessous des cimetières ».

Mais tel Rome, le métro ne s’est pas fait en un jour, les 1ers projets londoniens remontent en effet à 1827.  Ce métro doit être une solution à l'engorgement progressif, au cours du XIXème siècle, des petites rues tortueuses de la capitale anglaise, encombrement ne facilitant pas la circulation des diligences et charrettes, chaque jour plus nombreuses. En effet la population londonienne de l'époque croît rapidement, grâce notamment à la révolution industrielle, si bien qu'au milieu du siècle, la capitale anglaise est la ville la plus peuplée du monde avec 2,7 millions d’habitants. Finalement ce n'est qu’en 1854, après des divergences économiques, et sous l’impulsion de Charles Pearson, avocat renommé qui mettra tout son poids pour permettre sa mise en place, que le projet du métro sera validé.

En 1855 sa construction est confiée à la « Metropolitan Railway Company ». Les travaux débutent en février 1860, le manque de technique de l'époque empêche une construction en profondeur, apparaissent alors dans la ville des tranchées à ciel ouvert, qui dénaturent Londres et entraîne la destruction de nombreuses maisons. Heureusement, l’expérience anglaise en matière de construction ferroviaire (pays le plus pourvu en chemins de fer à l’époque) permet de terminer rapidement, et sans trop de dégâts, le chantier, en mai 1862.

 

 

Les premières locomotives circulant dans le métro londonien ont la particularité de fonctionner à vapeur, ce qui est peu pratique dans des souterrains! C’est pour cela que ces locomotives étaient également à condensation, permettant ainsi la rétention des fumées dans les tunnels et leur expulsion sous des puits de ventilation placés en divers points des souterrains, l'inconvénient de ce système était l'obligation pour les métros de stationner à des endroits bien précis pour réussir l'évacuation de la fumée. Le système sera simplifié à partir de 1890, date à laquelle est installée la 1ère ligne électrifiée, dès lors, les locomotives à vapeur seront progressivement remplacées. Alors qu’au départ ce projet de métro entraînait certaines réticences (peur d’effondrements de maisons, des souterrains humides, des pneumonies allant avec…), il s’avère rapidement un succès pour Londres, puisqu’en moyenne 26 000 personnes empruntent quotidiennement le métro, poussant les Anglais à agrandir leur réseau dès 1868. Les nouvelles lignes sont construites plus en profondeur, ce qui pose moins de problèmes en surface. Petit à petit, le métro devient un avantage indéniable pour la ville, car il permet d’acheminer directement des dizaines de milliers de personnes à la City, qui profite de cet afflux de voyageurs pour asseoir sa position de plus puissante place financière mondiale. Le métro participe donc au développement de la ville et montre au monde entier la suprématie financière, industrielle et surtout technologique du Royaume-Uni. En 1880 le métro londonien prolongé transporte 40 millions de personnes par an, ce succès va pousser les autres villes à copier Londres et à introduire le métro.


Dans la foulée des premiers succès du « Tube » londonien, plusieurs villes imitent la capitale anglaise: New York et Athènes ouvrent leurs lignes en 1868 et 1869, bien qu'à leurs débuts les deux métros circulent tous deux en surface. Le mouvement s'accélère dans les années 1890 : Chicago construit son métro en 1892, celui-ci n'a pas non plus de passages souterrains à ses débuts, tandis qu'en 1896 Budapest (photo de droite) et Glasgow inaugurent leurs métros, souterrains cette fois.

 


De son côté Paris, la grande rivale de Londres en terme de rayonnement, prend du retard. Ce retard n’est pas dû au manque de projets, loin de là, puisque dès 1845 ceux-ci affluent. Certains de ces projets sont pour le moins farfelus, évoquons ici le projet d'un métro aquatique traversant la Seine, ou celui, non moins audacieux, d'un métro perché sur de très hauts viaducs enjambant les immeubles parisiens ! Non, le souci est surtout la lutte d'influence qui oppose l’État français à la ville de Paris pour l'obtention de la direction des travaux, conflit exacerbé par des divergences politiques entre les deux camps.


Finalement, la situation se débloque enfin grâce à  l'approche de deux événements ayant pour cadre la ville-lumière: l'exposition universelle et les Jeux Olympiques d'été de 1900, où Paris espère briller de mille feux. En 1896, le projet de réseau de Edmond Huet et de Fulgence Bienvenüe est adopté, les travaux débutent en 1898. Ces travaux vont être titanesques : la ville est un véritable chantier à ciel ouvert, car chaque jour 1000 m3 de déblais doivent être évacués.

 

Finalement le 19 juillet 1900, à 13h, la 1ere ligne de métro parisienne ouvre ses portes, elle rejoint la porte Maillot à la porte de Vincennes, à côté du bois où se déroulent certaines épreuves des Jeux Olympiques. Cette 1ère ligne est un franc succès: à la fin de l'année, quelques 17,66 millions de passagers auront été transportés.

De nombreux travaux vont alors être entrepris pour agrandir le réseau, si bien qu'on estime qu’entre 1898 et 1914, la grande période de construction du métro parisien, la terre extraite de la ville lumière représente l'équivalent d'une colline de 70 mètres de hauteur et d'une surface équivalente à la place de la Concorde. Cette période voit aussi la construction, périlleuse, de la 1ère ligne sous la Seine. Certains terrains y étant trop meubles, il est décidé de les congeler grâce à une quarantaine de tubes enfoncés dans le sol, dans lesquels circule une solution de saumure à -24 degrés, technique qui permet de congeler le terrain en 40 jour, le rendant plus propice aux travaux. Finalement il faudra pas moins de 10 mois pour achever un passage difficile de seulement 14,5 mètres de long.

 

Après ces prouesses techniques, et le côté pionnier de ses 1ers réseaux, le Métro va s'installer dans la vie de tous les jours, et devenir un témoin privilégié de notre Histoire. Ainsi le métro de Londres a servi, en 1898, de corbillard pour le cercueil du 1er ministre anglais, Wiliam Ewart Gladstone. Mais plus que ce cocasse événement, le "London tube" va obtenir ses lettres de noblesse durant les guerres mondiales, tout comme le métro parisien. La 1ère guerre mondiale entraine ainsi la fermeture de 100 des 169 stations parisiennes, la majorité du personnel étant réquisitionné. Pour faire face à ce manque de main d’œuvre, et afin de rouvrir des stations, des poinçonneuses prennent le relais de leurs homologues masculins. Malgré cela, les voyageurs sont chaque jour plus nombreux, des portes automatiques sont donc installées pour palier le manque d'effectifs, elles remplacent ainsi trois employés par métro, un par rame, chargés jusque là d'ouvrir manuellement les portes et d'annoncer à haute voix le nom des stations.

Un événement plus tragique va également contribuer à améliorer le métro parisien : le 11 mars 1918 la station Bolivar, classée comme abri pour les bombardements, est le théâtre d'un drame, des bombes tombent dans les rues adjacentes, la foule panique et se précipite dans la bouche de métro, en raison de la pression exercée par les derniers entrants, les 1ers arrivés en bas de l’escalier ne peuvent ouvrir les portes qu’il faut tirer, 66 personnes meurent étouffées ou piétinées contre les portes, qui finissent par lâcher sous la pression. Ce drame va pousser les autorités à installer des portes d'accès aux stations s'ouvrant dans les deux sens.

La seconde guerre mondiale va également marquer l'Histoire du métro. Ainsi le  "tube" londonien sert d'abri aux anglais. Au plus fort des bombardements allemands, le fameux Blitz (1940-1941), environ 175 000 personnes dorment chaque nuit dans le métro, réaménagé pour la peine, avec notamment la présence d'infirmeries souterraines.

 

De son côté, le gouvernement soviétique prend des mesures, le 15 octobre 1941, en pleine opération Barbarossa, un arrêt du comité gouvernemental propose la destruction des installations du métro de Moscou, en cas d'apparition de l'armée allemande aux portes de la ville. A Paris aussi le métro joue un grand rôle durant le conflit: il sert également d'abri, mais aussi de moyen de transport principal dans la ville occupée, eu égard aux pénuries d'essence et de pneus qui perturbent les transports en surface. Les Allemands réquisitionnent, quant à eux, 2 lignes de métros ( les lignes 11 et 7 bis) pour en faire des ateliers souterrains. Enfin, le métro permettra aux résistants de circuler dans les tunnels pour s'infiltrer partout dans la capitale. L'après-guerre, marquée par une forte inflation, n'épargne pas le métro parisien puisque le ticket passe de 2 à 20 Francs entre 1946 et 1951.

Plus tard, la guerre froide pose des problèmes pour les réseaux de certaines villes. C'est particulièrement le cas à Berlin, où la construction du tristement célèbre mur pousse les autorités Ouest et Est-allemandes à adapter le tracé du métro. Certaines lignes sont alors scindées en deux, une partie ne circulant qu'à l'Ouest, l'autre qu'à l'Est. Pour ce qui est des lignes U6 et U8, qui traversent les deux zones de Berlin, mais dont les stations de départ et d'arrivée sont toutes deux situées dans la partie Ouest, la solution trouvée est la mise en place de stations-fantômes dans la zone Est, ainsi le métro de ces lignes ne s'arrête pas dans les stations est-berlinoises, stations d'ailleurs gardées par la police est-allemande, présente sur les quais pour empêcher que des personnes ne profitent de l'occasion pour passer d'un côté ou de l'autre. 

Le métro parisien écrit également sa propre histoire, avec la disparition progressive, entre 1969 et 1973, des célèbres poinçonneurs de ticket, remplacés par des machines automatiques. Le progrès technique permet également de se passer, petit à petit, de conducteurs, ainsi en 1998 est inaugurée la ligne 14, 1ère ligne parisienne entièrement automatisée.

Avec le temps, le nombre croissant de réseaux de métro, et leurs fréquentations en hausse, font du moyen de transport une cible privilégiée des terroristes. Ainsi le 20 mars 1995, le métro de Tokyo est touché par une attaque au gaz sarin, répandu par des membres de la secte Aum Shinrikyô, qui fait 12 victimes et plus de 5500 intoxiqués. Le 07 juillet 2005, au lendemain de l'attribution des Jeux Olympiques 2012, c'est au tour de Londres d'être touchée par un attentat dans son métro, commis par 4 kamikazes musulmans, qui fait 52 morts et près de 700 blessés.

Au delà de ces crimes, le métro a également été endeuillé par plusieurs accidents mortels au cours de son Histoire. Citons le métro parisien, avec le drame de la station Couronnes, le 10 août 1903, où 84 personnes meurent asphyxiées après l'incendie des rames, alors en bois, celles-ci vont rapidement être remplacées, si bien qu'en 1906 l'ensemble du réseau est équipé de rames métalliques. Si depuis aucun incident de cette ampleur ne touchera Paris ( le dernier mort est un chauffeur tué en 1981), des drames ont encore parfois lieu dans d'autres métros, comme par exemple à Washington où, le 22 juin 2009, une collision entre deux rames a fait 9 morts et 80 blessés.

 

 

Aujourd'hui, le métro est devenu un moyen de transport privilégié en zone urbaine (50 % des déplacements mécanisés dans la ville de Paris se font en métro), si bien que près de 50 milliards de personnes l'utilisent chaque année, soit chaque jour 137 millions de voyageurs, plus de deux fois la population française! A lui seul le métro de Tokyo transporte 8,7 millions de personnes par jour, bien loin des 1644 passagers quotidiens du métro de Fortaleza, au Brésil. Le métro s'est donc démocratisé et perfectionné: chaque année le métro londonien effectue l'équivalent de 90 allers/retours jusqu'à la Lune ! Notons également que la seule électricité utilisée en une année pour faire circuler le métro new-yorkais correspond à la consommation annuelle d'une ville comme Strasbourg.

Actuellement, environ 150 villes sont dotées d'un réseau de métro, chiffre en perpétuelle augmentation. On retrouve maintenant des métros partout: au Bélarus, au Chili, en République Dominicaine, en Inde, en Arabie Saoudite, en Égypte, en Australie, en Ouzbékistan et même en Corée du Nord. Certaines villes de moins de 200 000 habitants possèdent leur propre métro: Brescia (Italie), Los Teques (Venezuela) ou Lausanne (Suisse, plus petite ville équipée avec ses 140 000 habitants, par un métro capable de gravir des pentes de 12%). Si certains réseaux sont minuscules, celui de Catane (Italie) fait seulement 3,8 km de long et ne compte que 6 stations, à l'inverse d'autres sont gigantesques : le métro de Séoul s'étend sur 508 km et celui de New-York possède 468 stations. 

 

Mais le métro n'est pas qu'une affaire de chiffres, il trouve également sa place dans la culture. De nombreuses chansons ont ce métro pour thème:''Le poinçonneur des Lilas'' de Serge Gainsbourg, ''Le métro de Paris'' d'Edith Piaf ou ''The Metro'' du groupe Berlin. Et si, depuis, 1997 tout le monde ne peut plus chanter à sa guise dans le métro parisien (La RATP fait passer des castings et dote les heureux élus d'une carte spéciale), plusieurs chanteurs ont fait leurs armes ou ont été découverts dans les souterrains parisiens: Alain Souchon, Danny Brillant, Ben Harper, Keziah Jones ou encore Michel Polnareff.

Le cinéma n'est pas en reste avec, par exemple, "Zazie dans le métro" de Louis Malle ou "Subway" de Luc Besson. Citons également l'utilisation du métro de Chicago comme cadre de certaines scènes de films à succès tels que « Matrix », « Ocean's eleven » ou "The dark night" . A Paris, la station « Porte des Lilas-Cinéma » est une station-fantôme (comme des dizaines de stations dans le monde), c'est à dire qu'elle fait partie des stations fermées au public, pour différentes raisons. Elle a été réaménagée en studios de cinéma: pour la modique somme de 15 000€ par jour, des producteurs la louent pour y tourner des scènes ayant lieu dans le métro, comme ce fut  le cas pour « Le fabuleux destin d'Amélie Poulain » ou « Une époque formidable ». Ce type de stations-fantômes existe aussi dans le métro londonien, deux de ces stations ont servies de studios de cinéma, la station Aldwich a permis le tournage de certaines scènes de "V pour Vendetta", tandis que "Skyfall", le dernier James Bond, a été en partie tourné dans la station de Charing Cross.

 

La station porte des Lilas transformée en station Abbesses

dans "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain"

 

D'un point de vue plus insolite, en 2002 est apparue à New York, la 1ère « No pants subway ride » (« Sans pantalons dans le métro »), événement annuel, où pendant une journée les utilisateurs du métro s'y rendent sans pantalon ou sans jupe. En 2013, la manifestation a regroupé 4000 participants à New York, alors que 60 villes situées dans 25 pays y ont également participé.

 

 

Alors, en ce lundi matin, toujours déprimé dans le métro? Ce bon vieux tube qui accompagne nos vies depuis 150 ans maintenant, qui a dû surmonter des contraintes techniques importantes, a été témoin d'une part de notre Histoire tout en contribuant à notre culture! Souriez, vous êtes en train de voyager dans un monument de notre culture!

Allez, pour vous convaincre définitivement que le métro est mieux qu'un simple train vous menant au travail,  n'oubliez pas que c'est grâce à lui qu'a pu exister la mythique scène de « sept ans de réflexion » où la non moins mythique Marilyn Monroe voit sa jupe se soulever au dessus d'une bouche de métro, à New York. Rien que pour ça, on peut souhaiter un bon anniversaire au métro !

 





26/04/2013
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