Mondoculture, le blog des découvertes

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La malédiction du pharaon

L’Égypte antique est une des civilisations les plus puissantes et les plus connues de notre Histoire. De par sa longévité, plus de 3000 ans, ses inventions (citons pêle-mêle le calendrier solaire, la brique, la bière, le rouge à lèvres, ou même les 1ers tests de grossesse), mais surtout de par son côté mystique. Ainsi les pyramides, les dieux égyptiens et les momies sont gravés dans l'imaginaire collectif lorsque l'on évoque le pays des pharaons. Les pharaons justement, ces rois semi-divins ont également contribué à la fascination qu’exerce encore aujourd’hui la civilisation égyptienne. Les plus connus de ces pharaons sont sans conteste Mykérinos, Khéops et Khephren (les 3 pharaons ayant édifié les pyramides de Gizeh), Ramsès II (grand guerrier et bâtisseur, durant ses 67 années de règne, du temple d'Abou-Simbel) ou encore Toutânkhamon. Ce dernier, contrairement aux autres ne doit pas sa célébrité à son œuvre de son vivant, mais plutôt à sa mort, ou plus précisément au lieu de son repos éternel.

En effet le tombeau de Toutânkhamon reste une des plus grandes découvertes archéologiques de l’Histoire, mais aussi l’une des légendes les plus puissantes ayant existé : « La malédiction du pharaon », qui aurait emporté une trentaine de personnes. Retour sur ce drôle de sortilège.

 


Au tournant des XIXème et XXème siècle, l’archéologie s’impose comme une discipline majeure. Après des siècles de pillage, les ruines sont désormais fouillées dans un but plus scientifique, l’Homme prend conscience que ces vestiges peuvent éclairer son passé. De nombreux mécènes vont alors se lancer dans les fouilles que ce soit à Rome, au Moyen-Orient, en Grèce et, bien sûr, en Égypte.

Ainsi George Herbert, appelé Lord Carnarvon, un riche comte anglais reconverti dans l’égyptologie décide de financer une expédition au pays des pyramides. Il s’associe alors au talentueux dessinateur britannique Howard Carter, devenu archéologue. En 1915 les deux associés récupèrent la concession permettant les fouilles de la vallée des rois.

Rapidement, Carter exhume des jarres et des sceaux à l’effigie de Toutânkhamon, la découverte du tombeau de ce pharaon va dès lors devenir l’objectif principal de l’archéologue. Las, en 1922, malgré son acharnement, Carter est toujours bredouille. Carnarvon souhaite arrêter les frais mais son archéologue le supplie de financer une dernière campagne à l’automne 1922, le mécène anglais cède. Et bien lui en prend puisque, le 4 novembre 1922 son équipe découvre l’entrée du tombeau de Toutânkhamon ! Carnarvon, alors en Angleterre, se précipite à Louxor où il arrive le 23 novembre. Les fouilles reprennent et, dès le 24, les Anglais mettent à jour une inscription qui leur confirme qu’ils ont bien découvert le tombeau de Toutânkhamon.

Le 26 novembre, Carter est le 1er à pénétrer dans la sépulture, et le 29 il rend publique sa découverte. Rapidement la nouvelle fait le tour du monde, la communauté scientifique est en émoi. Carter et Carnarvon savent qu’ils ont besoin d’aide pour fouiller la tombe, plusieurs spécialistes (égyptologues, architectes, photographes…) vont alors se joindre à l’équipe de fouille. Il leur faudra encore quelques semaines pour ouvrir le tombeau, le 17 février 1923.

Cette découverte est fondamentale, car la plupart des tombeaux découverts jusque-là avaient été visités par des pillards, or celui de Toutânkhamon a été préservé. Les archéologues pénétrèrent donc dans une sépulture inviolée depuis plus de 3000 ans.

A l’intérieur, ils découvrent un des plus grands trésors de l’Histoire de l’archéologie, Carter met 4 ans à répertorier les quelques 2099 objets présents : des trônes, des statues, des meubles, des chars, des armes, des boîtes à bijoux, mais aussi 3 sarcophages : celui de Toutânkhamon et ceux de ses deux enfants mort-nés.

 

Le fabuleux trésor de Toutânkhamon reconstitué (à gauche) et Carter

s’affairant autour du sarcophage du pharaon (à droite)

 

Ce véritable trésor permet d’en savoir plus sur un pharaon restant jusque-là dans un quasi-anonymat. En effet Toutânkhamon (« Le reflet d'Amon ») n’a pas vraiment marqué l’Histoire de l’Égypte ancienne, on sait qu'il est né vers 1357 av.J.C. et a commencé son règne à 10 ans seulement, sous le nom de Toutânkhaton (« Le reflet d'Aton »). Il meurt jeune, en 1338 av. JC, sans doute d’une hémorragie due à une blessure de chasse. De ce règne éphémère on retiendra surtout qu’il a rétabli le culte d'Amon (d’où son changement de nom en Toutânkhamon) et n’a pas réellement gouverné, le pouvoir étant dans les faits aux mains de ses dignitaires, plus âgés. Sa mort précoce l’empêcha de se faire construire un temple pour son repos éternel, comme les pharaons le faisait à l’époque, d’où sa présence dans un simple tombeau de la vallée des rois.

 

Mais au-delà de son trésor intact et de son éphémère règne, Toutânkhamon va devenir célèbre après la découverte de son tombeau. En effet dès le mois de mars 1923 Lord Carnarvon se fait piquer par un moustique, la piqûre s’infecte après une coupure de rasoir et le mécène anglais décède le 05 avril 1923, à 57 ans, quelques semaines seulement après la découverte du tombeau de Toutânkhamon. Au moment de son dernier souffle toutes les lumières du Caire s’éteignent et plongent la capitale égyptienne dans la pénombre, sans que personne ne puisse expliquer cette panne.

Personne ? Pas tout à fait, pour de nombreuses personnes ces faits troublants sont l’œuvre de Toutânkhamon lui-même. Les médias s’emparent rapidement de l’affaire, évoquant une « malédiction du pharaon » qui allait s’abattre sur ceux qui avaient troublé son repos éternel. Cette thèse va être amplifiée par le témoignage d’ouvriers égyptiens présents sur les fouilles, ceux-ci rapportent que quelques jours avant l’ouverture du tombeau, le canari d'Howard Carter avait été dévoré par un cobra. Chose très surprenante car ces serpents sont très rares en Égypte en hiver et, surtout, parce que le cobra est le symbole du pouvoir des pharaons. Les ouvriers ont vu dans ce présage un avertissement, il ne fallait pas violer le tombeau de Toutânkhamon sous peine d’attirer ses foudres.

La presse évoque également la présence d’une phrase prophétique sur la porte d’entrée du tombeau : « La mort touchera de ses ailes celui qui dérangera le pharaon ».

Lord Carnarvon serait donc la première victime de cette malédiction. Les années qui suivent étayent cette thèse puisque de nombreuses morts brutales vont suivre. Le 16 mai 1923 George Jay Gould I, un financier ayant visité la tombe, meurt d’une pneumonie. Le 26 septembre c’est le colonel Aubrey Herbert, jeune demi-frère de Carnarvon qui décède. En 1924 c’est au tour du professeur Hugh Evelyn-White, un des 1ers à pénétrer dans le tombeau, de plonger dans une grande dépression qui le conduit à se pendre. La même année le radiologiste chargé quelques mois plus tôt de radiographier la momie de Toutânkhamon meurt à son tour. La presse s’emballe, la malédiction du pharaon frappe à tout-va. En 1928 c’est Arthur C.Mace, archéologue anglais qui aida Carter à abattre le mur de la chambre mortuaire qui décède sans cause apparente, semblant avoir perdu toutes ses forces suite à sa visite de la salle funéraire. Et la liste s’allonge encore en 1929 avec la disparition du secrétaire de Carter, retrouvé mort dans son lit à seulement 35 ans. Le 2 décembre 1935, l’égyptologue James Henry Breasted, également présent dans la vallée des rois, succombe à une infection par streptocoque.

En 12 ans les journalistes parviennent à dénombrer 27 personnes, plus ou moins proches de la découverte, mortes de façon suspecte. Mais la malédiction se poursuit des décennies plus tard avec le décès brutal, en 1967 de Mohammed Mehri, directeur du département des antiquités égyptiennes au musée du Caire, emporté par une hémorragie cérébrale peu de temps après avoir donné son accord pour le transfert provisoire du trésor de Toutânkhamon, à Paris. Plus étrange encore, son successeur, Gamal Mehrez décède à son tour d’une hémorragie cérébrale, en 1972, peu de temps après avoir signé une autorisation de transfert du trésor du pharaon, pour une autre exposition, à Londres cette fois.

 

Cette terrible malédiction a fait couler beaucoup d’encre et permis de faire revivre un temps la fantastique puissance des pharaons. Ainsi les maîtres de la littérature de l’époque font enfler le phénomène : Agatha Christie écrit en 1923 « L’aventure du tombeau égyptien », tandis que Arthur Conan Doyle, après avoir fréquenté Jules Bonnot, est l’un des principaux défenseurs de la théorie de la « malédiction du pharaon ». Citons également "Tintin et les cigares du pharaon" qui s'inspire largement de la "malédiction du pharaon"

Le cinéma s’empare également du phénomène et, en 1932, « La momie », de Karl Freund, popularise un peu plus la légende de la malédiction du pharaon.

 

Légende car des faits plus rationnels vont bientôt balayer la thèse d'une malédiction mystique. On découvre ainsi que l’inscription prémonitoire sur l’entrée du tombeau n’a en fait jamais existé, et est le fruit de l’invention des journalistes en mal de sensations et cherchant à épaissir la légende de la « malédiction du pharaon ». D'autant que Lord Carnarvon avait signé avec le «Times » un contrat d'exclusivité, le journal anglais était toujours le premier à être informé des nouvelles découvertes. Les autres journaux devant broder pour continuer à attirer des lecteurs.

Pour ce qui est de la disparition du canari de Carter, l’épisode a bien eu lien (Carter en parle dans son journal de bord), mais la présence du cobra ne serait pas due à un hasard mystique : un opposant aux fouilles l’aurait en fait placé à cet endroit pour apeurer les ouvriers égyptiens, afin de les dissuader de troubler le repos de Toutânkhamon. Même si cette théorie n’a jamais pu être totalement confirmée, elle expliquerait beaucoup de choses.

Malgré ces explications, les tenants de la « malédiction du pharaon » évoquent toujours les nombreuses morts suspectes. Mais comment expliquer que des dizaines de personnes ayant pénétré dans le tombeau n’ont pas connu le destin funeste de leurs compagnons ? Ainsi Howard Carter et Evelyn Herbert (la fille de Carnarvon), tous deux dans les premiers à pénétrer dans la sépulture mais ne furent pas frappés d’une quelconque malédiction, mourant respectivement à 64 et 79 ans.

Malgré ce constat, les scientifiques ont du mal à expliquer le phénomène des disparitions brutales, plusieurs hypothèses sont avancées (gaz mortel dégagé par les bandelettes de la momie, bougies de cire enduites d’arsenic, concentration de radioactivité, présence d’un virus enfermé dans le tombeau pendant plus de 3000 ans,…), mais aucune ne parvient à convaincre.

La clé du mystère est finalement trouvée en 1985, lors de la découverte de la momie de Ramsès II. L’analyse de cette dernière permet de repérer la présence de nombreux champignons toxiques pour l’homme. Or des champignons, il y en avait dans le tombeau de Toutânkhamon, Carter écrit ainsi qu’il voit des « cultures de champignons » présentes sur les murs de la chambre funéraire, « où elles étaient si nombreuses qu’elles causaient un grand défigurement ». Ces champignons toxiques auraient eu pour effet de favoriser la pneumonie à précisitines, depuis surnommée maladie de l’archéologue, maladie quasi inconnue et difficilement diagnostiquable à l’époque de l’ouverture du tombeau de Toutânkhamon.

Ainsi lord Carnarvon souffrait déjà de problèmes pulmonaires, d’où sa présence régulière en Égypte, son exposition à ces champignons, fut sans doute un facteur aggravant de l’infection qui l’a terrassé, la coupure de courant générale intervenue au moment de sa mort est, quant à elle, à classer dans la catégorie des coïncidences morbides.

Les responsables de cette prolifération de champignons toxiques seraient en fait les fruits et légumes présents dans la tombe, altérés au fil du temps, ils ont formé de la moisissure qui s’est elle-même décomposée en particules de poussière organiques fortement allergènes. L’analyse de la momie de Ramsès II a permis de révéler la présence d'Aspergillus niger ou Aspergillus flavus, moisissures fréquemment retrouvées sur des momies, et qui sont sans doute également à l’origine des pneumonies asphyxiantes ayant emporté la plupart des victimes post-découverte du tombeau de Toutânkhamon. La « malédiction du pharaon » accouche donc d’une souris, ou plutôt d’une moisissure.



05/07/2013
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