Mondoculture, le blog des découvertes

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Qui es-tu père Noël?

"Papa, papa! (ou maman, maman! c'est selon!) Est-ce que le père Noël existe? ». Voilà, vous y êtes, la question fatidique est tombée. Vous vous revoyez au même âge que votre enfant, ce jour triste et obscure où vous avez appris que le père Noël n'était qu'une invention, et où tout s'est effondré. Vous en avez voulu à la Terre entière: à vos parents, à votre famille, à votre camarade de classe qui, avertit par un "grand", a mis fin à votre insouciance en vous dévoilant le pot aux roses. Tout le monde, ou presque, se rappelle du jour où il a appris la triste vérité.

Malgré ce traumatisme, une question demeure: qui est le coupable de cette supercherie à grande échelle? Ce ne sont pas vos parents, ni vos grands-parents, puisque eux aussi ont subi ce mensonge.

Non, il faut remonter plus loin, et se pencher plus sérieusement sur la véritable histoire du père Noël, car le paradoxe veut que ce personnage imaginaire ait une histoire bien réelle. Et c'est peu dire qu'elle est mouvementée !

 


 

Contrairement à la légende urbaine l'Histoire du père Noël ne débute pas en 1931, avec la campagne publicitaire orchestrée par Coca Cola aux Etats-Unis.

Non, l'Histoire du père Noël débute bien loin de cette société de consommation, plus précisément entre les IIIème et IVème siècles, en Anatolie (région de l’actuelle Turquie). C’est là que Nicolas, né en 270 est nommé évêque de Myre par la jeune Eglise catholique. En 325, cette fonction lui permet de participer au premier concile de l’Histoire, à Nicée,  mais ne l'empêche pas de mourir en martyr, décapité par les romains le 6 décembre 343, la légende veut qu'une fontaine d'huile ait jailli de son cou tranché.

Ce ne sera pas la seule légende entourant Nicolas de Myre car, après avoir été un martyre, il va devenir un mythe, de nombreux récits le concernant parlent de sauvetages d’enfants. La plus tenace de ces légendes évoque ainsi la résurrection de trois enfants trucidés par un boucher sanguinaire. Dès lors l'Eglise va le canoniser, Saint-Nicolas est né, ses faits d'armes, avérés ou non, lui valent rapidement la fonction de protecteur des enfants et sa fête est célébrée le 6 Décembre, jour de sa mort.

Reconstitution du visage de Saint-Nicolas
à partir de ses ossements


C'est en 1087 que son aura va s'étendre à l’Occident, plus précisément le 9 mai, date à laquelle des marins italiens se rendirent à Myre. Les marins vont ramener les ossements de Saint-Nicolas pour éviter qu’ils ne tombent dans les mains des Musulmans, alors aux portes de Myre. Saint-Nicolas ne sera dès lors plus seulement Nicolas de Myre mais aussi Nicolas de Bari, ville italienne où ses ossements seront désormais conservés.

Quelques années plus tard, vers 1090, Charles Aubert, un chevalier lorrain, de passage à Bari, récupéra une phalange du Saint et la ramena chez lui, contribuant ainsi à y importer le culte de l’ancien évêque. Dès lors la tradition de Saint Nicolas va se développer dans le Nord-Est de la France, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Cette tradition a lieu dans la nuit du 5 au 6 décembre, date à laquelle Saint-Nicolas passe déposer des offrandes aux enfants qui ont été sages dans l’année.

 

Au XVIème siècle, la réforme protestante entraine l’abolition de nombreux cultes de Saints, c'est ainsi que l'Eglise supprime officiellement celui de Saint-Nicolas. Désormais les cadeaux seront distribués aux enfants sages le 25 décembre, en l’honneur de la naissance de Jésus, qui se chargera lui-même de la distribution. Pour l'anecdote cette date du 25 décembre comme date-anniversaire de Jésus n'a jamais été mentionnée dans les évangiles, le choix de cette date ayant été fait arbitrairement par un empereur romain, plus de trois siècles après la naissance supposée du divin enfant.

Malgré cette décision les Hollandais, très attachés à la tradition de Saint-Nicolas, continuent à fêter Sinterklaas (nom flamand de Saint-Nicolas) tous les 6 décembre.

C'est donc tout naturellement que les colons néerlandais partis, en 1614, fonder New Amsterdam, future New York, vont diffuser leur tradition au Nouveau Monde.

Les colons anglais, en masse et qui contrôleront plus tard le pays, assimilent cette tradition jusque là inconnue pour eux, à la seule différence que les anglais ont du mal à prononcer le nom de Sinterklaas et l’anglicisent en Santa Claus. L'exportation de Saint-Nicolas aux Etats Unis est actée, mais celui-ci perd de sa religiosité.

Santa Claus est alors représenté comme on imaginait Saint-Nicolas à l'époque, à savoir grand, famélique, avec une barbe blanche, une mitre sur la tête, une crosse d’évêque dans les mains et habillé d'un long manteau à capuche. Il se déplace également à dos de mule. Cette image de vieillard ne fait pas franchement rêver les enfants.

 

saint NicolasLe (très) grand Saint-Nicolas, tel qu'il
est imaginé à l'époque

 

On retrouve trace de Saint-Nicolas/Santa Claus au début du XIXème siècle, en 1821 plus précisément lorsqu’un texte reprend pour la première fois le fait qu'il se déplace par voie aérienne et remplace sa crosse d'évêque pour un sucre d'orge, le lien avec Nicolas de Myre devient de plus en plus ténu. D'autant que le 23 décembre 1823, le conte "The night before Christmas", publié par Clément Clarke Moore, dans le journal new-yorkais Troy sentinel, va encore plus moderniser Santa Claus et l'éloigner du modèle initial de Saint-Nicolas. Santa Claus y est décrit comme une sorte de lutin sympathique, la mitre de Saint-Nicolas est remplacée par un bonnet, et Santa Claus est doté d'un traineau tiré par huit rennes (un 9ème, Rodolphe apparaitra en 1939), le père Noël tel que nous le connaissons aujourd'hui prend forme. Ce conte va grandement contribuer à populariser Santa Claus car il sera traduit dans de nombreuses langues.

 

Au fil du temps, le fait de fêter à la fois la Saint-Nicolas le 6 décembre et Jésus le 25 décembre pose problème, c'est pourquoi la plupart des Chrétiens vont fusionner les deux fêtes pour célébrer Santa Claus le 25 décembre, même si certaines régions et certains pays continuent encore aujourd’hui à honorer Saint-Nicolas, le 6 décembre.

L'image austère de Saint-Nicolas va être définitivement mise aux oubliettThomas Nast Santa Claus in Camp January 3, 1863es par le travail de Thomas Nast, un illustrateur et caricaturiste du journal new-yorkais Harper's illustrated weekly, qui, à partir de 1860, va publier des centaines de dessins de Santa Claus, contribuant à uniformiser l'image le

représentant, pour  cela il le représente pour la première fois en rouge (jusque là le modèle dominant était le bleu), le dote d'une hotte et lui fait prendre du poids, cette image servira de base à la représentation moderne du père Noël.

En 1885, un dessin de ce même Nast montre deux enfants retraçant le trajet du vieil homme jusqu'aux Etats-Unis, plaçant ainsi l'antre de Santa Claus au pôle Nord, l'année suivante la thèse est renforcée par l'écrivain George P.Webster qui explique qu'en été la demeure et la manufacture de jouets de Santa Claus  "étaient cachées dans la glace et la neige du pôle Nord.". Cette localisation de son fief sera contestée par divers pays, mais dans l’imaginaire collectif le père Noël viendra désormais du froid, bien loin de la Turquie natale de Saint-Nicolas, son ancêtre.

 


 

                     

 


Le début du XXème siècle va voir la marchandisation croissante du père Noël, c'est ainsi qu’en 1907 la première entreprise à l'utiliser dans ses publicités n’est pas Coca Cola, mais Waterman, la firme de stylos. D’autres lui emboiteront le pas, Michelin en 1919 (qui va même jusqu'à éditer des cartes spéciales pour retrouver le domicile du père Noël), ou Colgate en 1920.

 

 


Coca Cola n'utilisera l'image du père Noël qu'à partir de 1931, date à laquelle une de ses affiches publicitaires reprend le vieil homme en train de boire un coca-cola. Cette publicité, oeuvre d'Haddon Sundblom, va définitivement fixer l'image du père Noël : dodu, jovial et débonnaire. Désormais le père Noël paraît plus humain et accessible. Sundblom impose également le pantalon et le manteau au père noël, reléguant la longue robe à capuche aux oubliettes. Enfin, les publicités Coca Cola vont faire rentrer dans les moeurs les couleurs rouges et blanches du costume, couleurs de la marque, mais couleurs que n'a pas imposé Coca, contrairement à l’idée reçue, en effet le rouge était déjà utilisé dès 1866, même si le bleu restait la couleur dominante des représentations et que le vert était également parfois utilisé. Avec cette campagne publicitaire, la stratégie du fabricant de boissons est simple, donner envie aux enfants de boire du Coca Cola en hiver, période traditionnellement creuse pour la consommation de la boisson.

 


L’aura de la boisson gazeuse a augmenté en même temps que celle du père Noël.

Si celui-ci existait déjà en France auparavant, c'est la seconde guerre mondiale qui va achever son adoption dans les moeurs de l'hexagone, en effet celui-ci fait partie de l’ «American way of life » qui déferle sur le pays à la libération, au même titre que les chewing-gums, les jeans et le Coca Cola.

Cette diffusion du père Noël en France ne s'est pas faite sans heurts, l'Eglise ayant du mal à accepter une représentation aussi grossière d'un de ses respectables Saints, c'est ainsi que le 23 décembre 1951, un prêtre de Bourgogne va jusqu'à brûler une effigie géante du père Noël sur les grilles de la cathédrale de Dijon!

Mais finalement rien ne pourra empêcher l'ancrage du père Noël dans notre culture occidentale. Cet ancrage est tellement fort qu'en 1962 le ministère des PTT va créer le très sérieux secrétariat du père Noël, chargé de répondre aux lettres de plus en plus nombreuses adressées au vieil homme. La première année "seules" 5000 lettres avaient été traitées, tandis qu'en 2011 le secrétariat a répondu à la bagatelle de 1,4 millions de courriers, dont environ 350 000 courriels, preuve que le père Noël sait s’adapter à son époque !

Aujourd'hui le père Noël est présent dans des pays qui n'ont aucune tradition chrétienne, tel que la Chine, le lien avec ses origines religieuses a donc quasiment disparu.

 

Pour en revenir à votre problème initial, vous pourrez toujours consoler votre progéniture de l’inexistence du père Noël en lui racontant cette histoire, véridique cette fois, qui a transformée en quelques siècles Saint Nicolas, évêque turc austère en père Noël jovial surfant jusque sur les rivages australiens!

 

 



05/12/2012
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